LA DYSLEXIE NE RALENTIE PAS L'ACTEUR NI LE PRODUCTEUR
par Ray Richmond, 22 novembre 1993
Pendant que les autres acteurs de la nouvelle série Cobra font la fête ou se reposent sur le plateau à Vancouver, Colombie Britannique, Michael Dudikoff, passe encore du temps après de longues heures de travail à se remémore son texte grâce à une assistante appelée Joanne qui le lui lie à haute voix.
De temps en temps, ils sortent recharger leurs batteries à l'aide de tasses de café. Puis ils reviennent aux 60 pages de script. Joanne mémorise le texte après l'avoir lu deux fois. Mais pour Dudikoff, il doit continuer jusqu'à ce que le tournage commence.
" Si je 
      devais lire le script moi-même, je ne le finirais jamais" , dit 
      Dudikoff.
      " C'est ainsi, je n'ai pas de vie. Je n'arrête jamais d'étudier 
      mon texte. Et comme au milieu de la semaine, ils me donnent le script de 
      la semaine suivante, cela ne s'arrête jamais."
Cela ne signifie pas que Dudikoff est bête. Il est tout simplement dyslexique.
La dyslexie existe dès la naissance qui perturbe la capacité à lire. Les mots sont vus à l'envers. Les lettres sont transposées. Les fonctions cérébrales concernant la mémoire et les enchaînements sont perturbées.
Le plus frustrante c'est que la dyslexie échappe à toute logique. Un dyslexique confondre les mots "was" et "saw" à la première lecture et ne pas les confondre lors d'une deuxième.
C'est pourquoi Dudikoff apparaît en fait dans Cobra - où il tient le principal rôle de Robert Scandal Jackson - l'homme de 38 ans qui a commencé avec la série à petit budget des American Ninja a trouvé dans ce nouveau rôle un challenge.
" Je dois travailler trois fois plus dur que n'importe qui d'autre" raconte Dudikoff, "mais c'est comme ça que ça marche."
Lisa Pick, qui enseigne aux dyslexiques à Encino dans la Landmark West School, Californie, pour les enfants qui ont du mal à lire, est d'accord pour dire que Dudikoff doit travailler trois fois plus dur qu'un acteur normal pour apprendre son texte.
" Les efforts 
      que cet homme déploie doivent être phénoménaux 
      " dit Pick.
      " J'applaudis son courage pour faire ce qu'il fait - et cela en toute 
      sincérité. Les enfants se sentent beaucoup mieux d'avoir quelqu'un 
      à admirer. "
Le patron de Dudikoff semble aussi comprendre. Ce patron c'est Stephen J. Cannell, le très prolifique scénariste et producteur qui a créé 35 séries (dont Cobra) et écrit 500 scripts dans sa carrière.
Cannell peut raconter la situation de Dudikoff comme personne sur le plateau parce que lui aussi est dyslexique.
" On ne peut rien tirer de ce que j'écris", raconte Cannell. " Je lis lentement, mais je lis tout ce qui me passe sous la main. Je pense que je dois lire seulement 250 mots à la minute. Et je ne peux pas épeler ce que je lis. J'épelle phonétiquement et cela est gênant."
Aucun producteur télé indépendant n'a encore tant de succès que Cannell. La liste de ses créations, en tant que producteur exécutif et scénariste inclue "The Rockford Files", Baretta, L'agence Tous Risques, 1 Flic Dans La Mafia, 21 Jump Street, Rick Hunter, Riptide et "The Commish".
Ceci provient d'un homme qui a été recalé trois fois à ses examens avant de les réussir et qui admets être toujours aussi confus en ce qui concerne l'enchaînement des mois dans une année.
" Je suis un écrivain de profession", dit Cannell. " Mais je ne sais pas s'il y a 1 ou 2 "t" dans le mot "writing" ".
On tend à croire que Cannell comprend aussi bien les difficultés de Dudikoff quand il parle des quelques rôles qu'il a joué et de l'embarras qu'il a ressenti en ne se souvenant plus de plusieurs lignes de texte.
" Je suis complètement en phase avec Michael." Cannell savait que Dudikoff souffrait de dyslexie avant de l'avoir embauché, cela n'a pesé aucunement dans la balance dans le fait qu'il joue l'un des principaux personnages.
La dyslexie "est surtout un problème de mémoire", souligne Cannell. " C'est comme ça, tout le monde sur le plateau saura son texte. Et vous non. Cela retarde tout le monde. C'est frustrant."
Dudikoff admet que Cobra est " la chose la plus dure que j'ai jamais fait dans ma vie " et qu'il y a tant de fois où " le texte s'échappe de votre tête."
Mais il est aussi habitué à ce que les choses ne s'obtiennent pas facilement dans la vie.
Dudikoff se rappelle combien quand il était à l'école il pouvait étudier toute la nuit pour être fin prêt.
" Quand le professeur disait d'arrêter d'écrire et de rendre les copies, j'étais nerveux ", dit il. " Les autres pouvaient remplir les 10 pages de test, et pendant ce temps moi j'en était toujours à la première page."
Dudikoff et Cannell ont grandi tous les deux avec le fait qu'ils n'étaient pas seulement lents mais stupides.
" J'ai toujours pensé que j'étais un idiot parce que sinon pourquoi tous les autres y arrivaient et pas moi ? ", raconte Dudikoff. " Quand vous étudiiez toute le nuit et que vous n'arrivez jamais à répondre correctement, qu'est ce que vous êtes supposés pensé ? "
Cannell est d'accord.
" Vous arrivés à un point où vous pensez que vous êtes stupide, parce qu'il ne semble pas y avoir une autre explication ", dit Cannell.
" Alors parce que je parle assez bien, et que je ne me sens pas stupide lorsque je parle - tout du moins je pense que non - j'ai eu un autre avis : c'est que je ne m'appliquais pas assez. Si j'essayais plus durement, je pourrais faire quelque chose de moi, vous comprenez ? Cela me prenait 5 heures pour retenir un cours d'histoire."
Le problème, que Cannell a mis en évidence, c'est que les dyslexiques ne sont pas conscients que leurs cerveaux ne traitent pas les informations correctement. Ils voient simplement le mots et les phrases différemment.
Mais jamais Dudikoff ou Cannell n'ont envisagé souffrir de dyslexie, avant que celle-ci ne soit finalement diagnostiquée. Dudikoff l'a su seulement il y a 5 ans, et Cannell il y a 13 ans (alors que sa soeur, à l'âge de 12 ans a passé les tests et a été reconnu dyslexique).
Dudikoff espère que son expérience dans Cobra pourra lui ouvrir la voie de ce qu'il appelle un film de série A, ou bien une de ces grandes productions.
" Je peux aussi diriger et produire", dit il. " Il y a moins à lire et à mémoriser dans ces voies."
Cannell a l'habitude de dire que son handicap l'a inspiré à faire les grandes choses qu'il a faites pour la télévision.
" Je pense que la dyslexie est particulièrement responsable du fait que je sois un scénariste prolifique " , dit Cannell.
" J'étais sûr que je n'étais pas stupide quand je suis sorti de l'école et que j'ai commencé ma carrière dans l'écriture - et j'ai démontré que non seulement je n'étais pas stupide mais talentueux comme dans mes rêves les plus fous et on disait que j'étais brillant - ce qui me pousse à revivre l'expérience encore et encore."
Les deux hommes se sont résignés à vivre avec la dyslexie pour toujours parce qu'il n'existe pas de remède. En effet, Dudikoff raconte que l'autre jour il essayait d'appeler sa soeur à Los Angeles et qu'il s'est retrouvé à parler avec quelqu'un de San Francisco.
" Je voudrais appeler l'opérateur pour savoir le numéro que j'ai composer depuis ma facture, mais je ne suis pas sûr d'appuyer sur composer le bon nombre de 0", dit Dudikoff.
 
 
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